L'école primaire
Il y avait la vieille garde, le triumvirat, Mihran Ajémian, qui venait d'Erzeroum au fond de la grande Arménie occidentale, Missak Sisserian de Zeitoun, une ville proche de Marache, et Ardaches Donjoyenz de la maison de Sassoun. Cette vieille garde qui dirigeait l'école n'avait pas perdu ses habitudes vestimentaires. L'un d’entre eux, par exemple, gardait toujours son fes, son tarbouche rouge ottoman, sur la tête. Il se croyait encore dans son village. Ils avaient tous fait de grandes écoles pédagogiques et étaient d'une capacité extraordinaire chacun dans son domaine. Donjoyenz enseignait l'arménien, Sisserian la géographie, l'histoire générale et l’arithmétique et Ajémian l’arménien et la littérature en dernière année de diplôme. On nous forçait souvent à apprendre ou plutôt à absorber les sujets, comme le siècle de Louis XIV ou les plantations de riz dans les plaines du Pô en Italie. Je me demandais à quoi ça servait mais c'est une culture générale qui nous est restée.
Les cours en primaire duraient six ans. A l’âge de 13 ans, nous étions diplômés. Après ce diplôme, nous devions aller dans une école secondaire, généralement de langue française. Nous avions le choix entre le Lycée Français, les frères Maristes et pour les jeunes filles les écoles de Jeanne D'Arc ou les Franciscains. Il ne faut pas oublier que nous étions sous mandat français. Le lycée était un collège laïc, tandis que les autres étaient des institutions catholiques.